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U-003-275 - NOTES - classeur U - Fonds d'archives Baulin

U-003-275

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    2009.




















Page 20 - LE MONDE - 29 décembre 1977

ÉCONOMIE
TROIS LIVRES
"LA BABEL NUCLÉAIRE", de Louis PUISEUX


Replacer le problème énergétique dans le mouvement de la civilisation ; dénoncer le passéisme des planificateurs qui, au lieu de s’adresser à l’imagination sociale, confondent croissance et développement, plus et mieux, le passé et l’avenir ; récuser l’arrogance des économistes et techniciens assurant posséder des critères prétendument objectifs pour la prise de décisions éminemment politiques...
Nous voilà bien loin du premier ouvrage, fort remarqué à l’époque, de l’auteur : l’Energie et le désarroi post-industriel Hachette, 1973., où Louis Puiseux consignait l’essentiel de ce qu’un économiste s’occupant de la prospective de l’énergie pouvait savoir à la veille de la crise de 1973. Maintenant, c’est le citoyen Puiseux qui part à la guerre, toujours un peu économiste, mais avant tout politicien doublé d’anthropologue, historien et psychanalyste sur les bords, n’hésitant pas à remettre en cause ses opinions antérieures et, en particulier, sa position en faveur du nucléaire à laquelle l’avait conduit une vision par trop économiciste des choses.


Dès le début du livre, Puiseux engage le lecteur dans un galop à travers l’histoire pour dégager les rapports entre l’énergie et la civilisation. Et montrer que l’agriculture néolithique et le paysan de 1789 disposaient de la même quantité d’énergie par tête. La consommation de l’énergie en Europe au dix-huitième siècle a été évaluée par Braudel à 12 kilos d’équivalent charbon par tête (à comparer avec 5 tonnes aujourd’hui). L’accélération brutale de la consommation énergétique est un phénomène récent, et il n’y a aucune raison de vouloir l’extrapoler pour l’avenir. Suit un rappel de l’ère révolue de la pétroprospérité et le roman feuilleton du prétendu affrontement entre l’OPEP et les sept soeurs, et des manoeuvres subtiles en coulisses des Etats-Unis. L’auteur a raison de conclure que l’Europe et le Japon et (plus encore, le quart-monde), ont été les dindons de la farce, ainsi que de prévoir comme conséquence de la nouvelle configuration et de l’épuisement progressif du pétrole une tendance à la hausse des prix de l’énergie.
Cela reste vrai même si l’échéance à laquelle nous manquerons de pétrole s’avère être repoussée de quelques décennies par rapport aux prévisions citées.


Un nouveau Concorde


Le chapitre sur l’âge nucléaire est une dissection impitoyable des incohérences de notre politique : abandon prématuré de la filière française : ironie d’une politique qui au nom d’indépendance énergétique fait entièrement dépendre l’industrie française d’équipements nucléaires d’une licence Westinghouse : par surcroit, parmi deux cents filières théoriquement possibles, cinquante expérimentées, douze poussées jusqu’à l’échelle industrielle, acceptation du réacteur à eau légère (L.W.R.), qui laisse à désirer sur le plan économique (il est très vorace en uranium) et celui de la sécurité et qui, en fait, n’a pas été conçu à l’origine pour produire de l’électricité, mais pour propuiser les sous-marins de la Navy américaine... Du coup la France se voit acculée au développement rapide du surrégénérateur. Un nouveau Concorde ?


Psychanalyse
du nucléaire


Pire que ça, "Pour résoudre un problème économique à court terme... l’électronucléaire ne tire-t-il pas une traite de portée géologique sur l’avenir de la planète ?" (p.150). Et qui plus est, une traite inutile. Si Puiseux reste assez réservé sur les énergies renouvelables, tout au moins à court et moyen terme, et s’il ne s’engage pas dans scénario chiffré de l’option non nucléaire à l’exemple de ce que Lovins A Lovins, Soft Energy Paths,Penguin Books, Harmondsworth.1977. a osé pour les Etats-Unis, il insiste par contre sur la modulation de la demande énergétique à travers un autre choix de société, le potentiel des économies à récupérer, moyennant un coût marginal inférieur à celui de toute énergie nouvelle, les percées technologiques attendues dans l’utilisation du charbon (p. ex. : gazéification souterraine sous pression). Bref, sans cacher les difficultés et la longueur de la transition aux énergies renouvelables : il récuse "l’alternative paranoïaque : le nucléaire ou le chaos" pour plaider en faveur d’une discussion démocratique autour d’un contre-programme énergétique étudiant les effets sociaux et écologiques d’une renonciation totale ou partielle du nucléaire. Dangereux, le nucléaire est avant tout socialement inacceptable. Les angoisses qu’il soulève sont un fait social et politique avec lequel il faut compter.
C’est à une véritable psychanalyse du nucléaire que Puiseux se livre pour montrer qu’il constitue une gamme de symboles repoussoirs.


Mais le polémiste Puiseux est à son mieux dans l’attaque virulente contre les prétendues raisons économiques, le réductionnisme qui ramène le qualitatif au quantitatif, la vision linéaire et simpliste du progrès (plus, c’est mieux), les fausses optimisations faites à coups de prix "objectivement déterminés". ("Un prix objectivement déterminé, c’est le sexe des anges", p.229). Et il accuse le politique d’abdiquer sa responsabilité et de laisser l’"algorithme d’optimisation" envahir la gestion sociale tout entière.


Bien qu’il prenne à la fois position contre les partisans de l’universalisation de l’american way of life, du socialisme à la sauce stalinienne et des rêveries conviviales et bucoliques de certains écologistes, Puiseux n’échappe pas à son tour à une certaine idéalisation des sociétés primitives sans Etat et de la convivialité villageoise, évoquées avec lyrisme.
L’Etat est-il vraiment mort à Hiroshima ? On le lui pardonnera d’autant plus facilement que l’essentiel de son message est ailleurs : mettre les Français devant leurs responsabilités les adjurer de se plonger dans le débat énergétique, les amener à prendre une position tranchée sur les choix fondamentaux en espérant qu’ils feront peser leurs voix pour éviter l’irréversible. Et que les surrégénérateurs resteront des Babel inachevées.


IGNACY SACHS,


directeur du Centre international
de recherche sur l’environnement
et le développement.


La Babel nucléaire, énergie et développement, de Louis Puiseux. éditions Galilée, Paris, 1977, 303 p.45 F.












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