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U-004-107-001 - NOTES - classeur U - Fonds d'archives Baulin

U-004-107-001

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  • Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.

  • Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
    seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
    2009.















L’ÉVENEMENT
CARTIER


CE N’EST PAS LA CRISE C’EST LA GUERRE


Match 5.10.74


L’ Occident a déjà perdu la première bataille du pétrole. Jusqu’au lointain horizon d’une révolution technologique il nous faudra subir...


" Huit cents millions d’hommes, écrit le rapport de la Banque mondiale, n’ont aucune chance de voir leur condition matérielles s’améliorer pendant les dix années en cours.... " Ce sont les plus pauvres de la terre, ceux dont le revenu moyen par tête d’habitant n’atteint pas 200 dollars, mille francs français, les gens du Bangla Desh, de l’ Inde, de Ceylan, du Mali, etc. L’augmentation démentielle, artificielle et arbitraire du prix du pétrole coupe net toutes les possibilités de renforcer leurs fragiles économies.


La Banque mondiale, ou World Bank, est une institution internationale qui écrit d’une plume trempée dans la prudence. La vérité qu’elle exprime est fardée. En réalité, les conditions et les perspectives du marché du pétrole, des matières premières en général, garantissent aux peuples indigents du monde une régression plutôt qu’une stagnation. Leur pouvoir d’achat est amputé par la hausse du coût de l’énergie et les engrais indispensables pour faire face à l’explosion démographique deviennent prohibitifs. Tout permet de redouter des famines auprès des desquelles les disettes africaines récentes ne seront que des pénuries.


En regard de cette tragédie mondiale, une anecdote. Le cheik d’ Oman, S.E. Quabus ( étroitement allié au Yemen prochinois et à l’ Irak prosoviétique ) offre dix millions de marks pour le nid d’aigle de Berchtescaden. Il a déjà acquis pour cinq millions de marks l’hôtel Türken, où logèrent tous les grands du régime nazi. Despote, hier d’une principauté bédouine de quelques milliers de chameaux, mangeant dans la main de l’ Angleterre, il veut restaurer le culte de Hitler sur les hauts-lieux d’où il précipita le monde dans la guerre. On est loin de l’époque où les harems et les Cadillac à la douzaine des princes séoudiens amusaient et scandalisaient un peu.


Les décisions prises à Vienne le 12 septembre par l’ Organisation des pays exportateurs entraînent pour les pays importateurs une surcharge immédiate de cinq milliards de dollars. Ce n’est rien encore. A partir du 1er janvier 1975, le prix du pétrole brut doit être indexé sur l’inflation mondiale. La cause essentielle de l’inflation mondiale réside dans la hausse du pétrole et voici qu’elle est appelée à l’entretenir, l’aggraver et l’accélérer. Les pays arabes, l’ Iran, le Venezuela ont passé au cou de l’Occident un garrot qui l’étrangle à coup sûr.


La fantastique imprévoyance de l’ Occident est la première coupable. Jusqu’à une date récente, les expert soutenaient du haut d’un faux-col d’arrogance qu’une coalition des pays producteurs était impensable et que le pétrole resterait " un marché d’acheteurs ". On fit un héros, on porta à l’écran avec une auréole de martyr un Enrico Mattei qui n’était pas autre chose qu’un démagogue à oeillères, brisant, par haine de l’ Amérique, le peu de solidarité qui existait entre les exploitants. La France a commis une erreur de la même nature en allant s’imaginer, ô candeur de l’égoïsme national ! que sa nouvelle politique arabe lui assurerait un traitement privilégié. Les possibilités presque infinies d’équiper d’autres sources d’énergie, et jusqu’aux recherches pétrolières dans des zones plus sûres que le Moyen-Orient, ont été négligées jusqu’à la négation systématique et railleuse des éternels funestes experts.


Quand la grande revendication arabe a commencé, vers 1970, on a fait des économies de courage en cédant à tour de bras. Le raisonnement raisonnable consistait à dire que les pays producteurs ne pouvaient aller au-delà d’un certain point sous peine de blesser leurs propres intérêts. Quand donc enseignera-t-on aux responsables que les peuples, hélas ! ne sont pas mûs par l’intérêt : le monde serait tellement plus intelligent et paisible ! Les peuples sont mûs par la passion.


Les pays producteurs de pétrole ne cherchent plus un prix légitime, réaliste, harmonisé avec les conditions générales de l’économie mondiale. Ils cherchent une arme politique et un instrument de revanche contre l’ Occident.


Les experts - encore eux - soutenaient il y a encore peu de semaines, que le prix du pétrole allait baisser. Ils pensaient, ces sages, que le mieux allait sortir de l’excès


La guerre militaire du pétrole n’aura probablement pas lieu. Mais la guerre pacifique qui nous est imposée entraîne pour l’économie des conséquences analogues.

du mal, que l’absurde trouverait en lui même sa correction. Ils constataient que la consommation ayant baissé d’environ 10 %, une situation excédentaire avait fait sa réapparition sur le marché et, en bon logiciens du monde d’hier, concluaient qu’elle entraînerait un fléchissement des cours. Ils ont été surpris - c’est leur habitude - d’apprendre que le moins déraisonnables des pays de l’ OPEP, l’ Arabie Saoudite, avait, en août, réduit son extraction de 10 %. La plupart des autres l’ont imitée et le secrétaire de l’ Organisation, Abderahmane Khene, en a tiré une doctrine. Puisque les pays consommateurs consomment moins, les pays producteurs produiront moins et s’y retrouveront en vendant plus cher. La baisse promise s’est transformée en un resserrement du garrot avec cette circonstance aggravante que l’application de l’échelle mobile donnera comme moteur à son tourniquet une vis sans fin.


Suivant les calculs de la Banque mondiale, les recettes des pays de l’ OPEP sont dores et déjà de l’ordre de deux à trois milliards de dollars par semaine Elles doivent, d’ici à juin 1975, augmenter de 75 milliards de dollars, soit plus d’un autre milliard hebdomadaire. Le caractère monstrueux de ces sommes est attesté par le fait que toutes les exportations réunies des deux pays les plus actifs du monde, les États-Unis et l’ Allemagne fédérale, n’équivalent même pas à la rente que les pays producteurs reçoivent pour la peine que les Occidentaux ont prise de découvrir et de mettre en exploitation leurs hydrocarbures. Les comptes des pays de l’ OCDE, représentant l’ensemble du monde industriel, sont passés, en conséquence, d’un modeste excédent de deux milliards de dollars à un déficit écrasant de plus de soixante milliards.


De toutes parts, et notamment en France, on crie aux gouvernements : " Qu’est-ce que vous attendez pour mettre fin à l’inflation ? Remuez-vous ! Agissez ! " Comment les pauvres pourraient-ils faire autre chose que des gestes devant une situation dont ils ne sont pas les maîtres et qui ne réunit que des promesses de s’aggraver ? Leur seul tort est d’avoir tant attendu pour dire la vérité à leur public, et encore le font-ils dans des termes qui sont loin de peindre la réalité sous son vrai jour.


Toujours suivant les calculs de la Banque mondiale, et compte tenu au maximum des achats de biens d’équipement et d’armement ultra-moderne ( fort dangereux pour la paix mondiale ), les pays de l’ OPEP disposeront, d’ici à cinq ans, d’une masse de manoeuvre de 650 milliards de dollars. En 1985, sur les bases actuelles, elle s’élèverait au chiffre fabuleux d’un trillion 200 milliards de dollars. Toujours pour fournir un point de comparaison, les ressources de charge de la nation la mieux pourvue du monde occidental, l’ Allemagne fédérale s’élèvent à 34 milliards, ou 3 % à peine de ce que les pays arabes, l’ Iran, le Venezuela auront accumulé d’ici à dix ans. Aucun système monétaire, aucune économie industrielle, aucune indépendance nationale même ne peuvent résister à un tel bélier. Le bon cheikh d’ Oman se donne une satisfaction folklorique en essayant d’acheter le Nid d’ aigle d’ Adolf Hitler. Mais les pays producteurs dans leur ensemble seront en mesure d’acheter les pièces économiques essentielles de l’ Occident, de bouleverser à volonté les marchés financiers de ruiner et de réduire à


Le roi Fayçal ( ici à la prière) à remis sur le tapis la question d’ Israël : le retrait des territoires ( arabes ) occupés pourrait arranger le choses...

merci toute nation qui tentera de s’opposer à leurs desseins. Le pétrole devient l’arme politique la plus puissante de notre époque. Il faudrait être prophète pour prévoir le conséquences de cette situation et les ripostes qu’elle entraînera nécessairement.


La conférence de l’énergie, à Détroit, est une représentation majestueuse. Elle se tient au Cobe Hall, qui sert d’habitude aux rencontres de besket-ball et de hockey. Une moquette orange a été posé sur le parquet, la tribune de circonstance a été copiée sur celle des Nations unies et vingt et un interprètes simultanés ont été mobilisés pour traduire les débats en anglais, allemand, espagnol et français. Soixante-quatre nations ont envoyé 2 750 représentants, la délégation des États-Unis comptant à elle seule 237 membres. 230 rapports ont été discutés dans un pullulement de commissions. Ceux qui croient à l’efficacité de ces grandes foires internationales peuvent estimer que le problème a été traité avec une ampleur digne de lui. Mais il faut avoir gardé une foi chevillée au corps.


Le nouveau président des États-Unis, Gerald Ford, n’est pas un orateur inspiré. Mais sa fonction lui prête une éloquence dont la nature ne la pas doué. Pendant qu’il parlait, les auditeurs se regardaient, non sans inquiétude. Jusqu’où Mr. Ford allait-il aller ?


Dépouillé des formes oratoires, son discours signifiait que l’augmentation excessive et arbitraire du prix du pétrole ne constitue rien moins qu’une agression, créant pour le monde occidental une situation catastrophique et intolérable. Une agression signifie un droit de légitime défense. On entend dire de plus en plus dans les milieux dirigeants comme dans l’opinion publique que les Arabes méritent une correction, et qu’il sera difficile de ne pas la leur donner. Est-ce que Mr. Ford premier magistrat de la plus puissante nation du monde, allait aller jusqu’à cette terrible conclusion ?


Effectivement, le spectre et jusqu’au nom de la guerre passèrent dans ses paroles :


"... Les nations sont quelquefois obligées de choisir entre le conflit et la soumission... Les États souverains ne peuvent pas tolérer que leur sort soit décidé par des manipulations artificielles et des distorsions du marché mondial des marchandises... A travers l’histoire, les nations sont entrées en guerre à propos des ressources naturelles, telles que l’eau ou les produits alimentaires, ou des voies de communica


Dans le salon ovale, Ford et Kissinger parlent de Chypre : " Un incident local, dit le président, peut dégénérer en catastrophe universelle ".

tion terrestre et maritimes..."

Le discours de Gerald Ford établissait la légitimité pour les nations de l’ Occident de desserrer par la force la strangulation dont elles sont l’objet.


Les Arabes l’ont compris ainsi. Certaines de leurs réactions ont répondu à l’avertissement par le défi. " Que le président dise ce qu’il voudra, à déclaré le ministre du pétrole du Koweït ; cela nous est complètement indifférent et ne modifiera pas nos décisions d’une ligne..." Un journal de Beyrouth assimile le discourt de Détroit à une déclaration de guerre, écrit que le chantage américain n’avait jamais atteint une telle brutalité. La campagne déclenché contre Ford au moment de la chute de Nixon a repris dans toute sa virulence : quart de juif, asservi à Israël, il prépare une coalition contre le monde arabe et la revanche de l’impérialisme en échec.


Mais ayant justifié le recours à la force, Ford le déclina au nom du risque : " A l’ère nucléaire, la guerre présente des risques inacceptables. Un incident local peut dégénérer en une catastrophe universelle. " La menace aboutit à un plan de coopération d’un vague savant. L’habile Yamani ministre du pétrole d’ Arabie Saoudite, au lieu de bondir sur le cheval fougueux de l’indignation, a souri dans sa barbiche : " J’ai trouvé dans le discours du président le ton de la coopération plus que celui de la confrontation..." C’est une manière adroite de prendre acte de la capitulation de l’ Occident.


La guerre est déclarée. Mais elle n’est faite que d’un seul côté, avec l’arme pacifique et terrible qu’est le pétrole. En Amérique, le conseiller de la confédération ouvrière Afl/Cio Nat Goldfinger est le seul jusqu’ici à préconiser ouvertement le blocus des pays arabes et un embargo général sur les livraisons industrielles et militaires. Un adoucissement tactique dans l’attitude des pays producteurs ne modifierait même pas d’une manière sensible une situation qui détruit les bases d’existence du monde occidental.


Dés lors que faire ? En attendant de lointaines revanches promises par la technique, il n’y a qu’une réponse, et elle est navrante : subir. Le rétablissement des comptes extérieurs, la limitation de l’inflation qui nous dévore ne peuvent résulter que d’une réduction autoritaire de consommation intérieure. Le Premier ministre Jacques Chirac est enfin entré dans la voie de la vérité rude et saine en disant qu’il n’est plus possible de garantir l’augmentation du pouvoir d’achat. Il aurait pu dire qu’il est impossible de garantir le maintien du pouvoir d’achat. L’échelle mobile des salaires, dans laquelle certains croient voir une panacée, ne serait qu’un moteur supplémentaire d’inflation, accélérant la chute de la monnaie. Il faut comprendre que la hausse du pétrole - 4 et bientôt 500 % - nous rend, au moins momentanément, plus pauvres, et que nul ne peut échapper aux conséquences de cet appauvrissement brutal.


La guerre militaire du pétrole n’aura probablement pas lieu. Mais la guerre pacifique qui nous est imposée entraîne dans l’ordre économique des conséquences analogues. Elle impose l’établissement d’une économie de guerre, limitée certes, beaucoup moins sévère que celle de 1940 à 1945 et au-delà, mais qui procède des mêmes principes et de la même nécessité.
C’est amer, mais c’est comme ça.


RAYMOND CARTIER

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