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U-004-044-001 - NOTES - classeur U - Fonds d'archives Baulin

U-004-044-001

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    2009.















S.O.S. PÉTROLE !


Par JEAN CHENEVRIER président-directeur général de la Société française des pétroles B.P.


Le niveau des prix de l’énergie en France à l’heure actuelle et le refus persistant des pouvoirs publics de rétablir, dans ce domaine essentiel, la vérité des prix seront sans doute dans l’avenir un sujet de réflexion, voire d’étonnement pour l’observateur. Dans le présent, la situation ainsi créé est un motif d’angoisse - le mot n’est pas trop fort - pour tous les industriels de ce secteur, et notamment ceux qui sont des sociétés privées, c’est-à-dire essentiellement les sociétés pétrolières françaises. Pour les dirigeants de ces dernières, les perspectives à court terme sont aussi claires que dramatiques : leurs sociétés auront, vers la fin de l’année, un endettement qui atteindra les limites du tolérable et c’est, dés lors, la poursuite de leurs opérations qui sera en cause.


Les données économiques de base


Entre le 16 octobre et le 31 décembre 1973, l’aspect principal de la crise pétrolière était - quoi qu’on ait dit - la menace de la pénurie. Depuis le 1er janvier, le problème est essentiellement financier. Les pays de l’ Occident, et singulièrement la France, voient leur consommation limitée par leur capacité de paiement, et par rien d’autre.


Tout a été dit sur les hausses successives, décidées par les pays producteurs, qui ont porté le prix du pétrole brut au 1er janvier au quadruple de ce qu’il était un an avant. Ce que, par contre, l’opinion public a mal perçu - sans doute parce qu’on le lui a insuffisamment expliqué, - c’est pourquoi les prix réellement payés depuis le 1er janvier seront finalement encore accrus pour atteindre près du quintuple de ceux du début de 1973


Pour expliquer le mécanisme, je prendrai l’exemple d’un pétrole brut typique du golfe Persique, celui du Koweït ( tous les prix sont en dollars par baril ) :


Depuis le 1er janvier 1973, la production est divisée en deux parties : le brut " concession ", propriété de la compagnie ; le brut " participation " propriété de l’ État.


En 1973, le brut concession représentait 75 % et le brut participation 25 % dont 22,5 % étaient rachetés à l’ État par la compagnie selon des modalités complexes.


Dans les conditions de prix du 1er janvier 1974, et sous le régime de participation de 1973, la compagnie disposait donc du brut concession à un prix de revient de 6,97 dollars ( taxes et royalties ) + 0,07 dollar, ( prix de revient technique ) = 7,04 dollars, tandis qu’elle rachetait le brut participation à environ 0,80 de plus, ce qui au total représentait pour elle un coût moyen ( sans bénéfice ) de 7,24 dollars.


C’est sur la base de ces coûts, augmentés d’une marge sur laquelle je reviendrai plus loin, que les prix des produits finis en France ont été déterminés le 11 janvier 1974.


Mais pour 1974, l’ État producteur a réclamé à la fois un taux de participation plus élevé et un accroissement du prix auquel serait racheté le brut participation. Les négociations sont actuellement à des stades divers selon les États ; mais il est acquis que le taux de participation passe à 60 % ( ne laissant que 40 % à la compagnie) et certain que le prix de rachat du brut participation, dans le cas qui nous occupe, ne sera pas inférieur à 93 % du prix affiché ( prix fixé par le gouvernement de l’ État producteur : 11,55 dollars, soit 10,75 dollars.


En admettant que la compagnie rachète 55 % de la production, il est aisé de voir que le coût moyen du baril dont elle dispose est de 9,19 dollars . Les récentes décisions de Quito portent désormais ce chiffre à 9,23 dollars , équivalant à 320 F la tonne.


Toutes ces dispositions étant rétroactivement applicables au 1er janvier, on voit que le coût réel du brut est supérieur de près de 2 dollars par baril ( soit près de 15 dollars par tonne, c’est-à-dire plus de 70 F ) à ce qu’on croyait au 1er janvier ( 250 F la tonne ).


C’est cette hausse, non répercutée dans les prix pour l’essentiel, qui est principalement responsable de la situation d’aujourd’hui.


Quant à la marge bénéficiaire incluse par les compagnies dans les prix de vente qu’elles pratiquent actuellement, vis-à-vis de leurs filiales françaises, elle est d’à peu près 0,35 dollar par baril ( soit environ 12 F par tonne ). C’est un chiffre fort modeste si l’on se rappelle qu’il n’est pas supérieur à celui qui était pratiqué en 1972 qu’il est notablement inférieur, non seulement à celui qui était appliqué il y a dix ans ( et encore en monnaie courante ) mais aussi à celui auquel l’ OPEP avait voulu ramener le bénéfice des compagnies le 16 octobre 1973. Je reviendrai plus loin sur toute cette question.


La situation française


L’ insuffisance des prix actuellement autorisés en France est donc due, pour l’essentiel, à la hausse du brut depuis le 1er janvier. Cette hausse était prévue, puisque le États producteurs avaient fait connaître, dés la fin de 1973 leur volonté de voir le taux de participation s’accroître substantiellement au 1er janvier 1974 ; le montant n’a pu être apprécié exactement que récemment, mais on savait depuis le début que l’effet en serait rétroactif au 1er janvier.


( Lire la suite page 13, 3e col )

S.O.S. PÉTROLE !


( suite de la page 11 )


Si l’on fait les calculs pour l’ensemble des pétroles bruts dont importés en France et que l’on compare le coût de la tonne de brut, augmenté des frais de raffinage et de distribution, à la valeur des produits que l’on en retire en vendant ces produits aux prix maxima autorisés par les pouvoirs publics on trouve les résultats suivants :


- Par rapport à des conditions normales d’exploitation, incluant les amortissements, provisions et bénéfices nécessaires pour une gestion financière saine ainsi qu’une rentabilité normale et l’indispensable renouvellement des investissements, l’insuffisance de prix est d’environ 80 F par tonne :


- Avant amortissement, provisions et bénéfices la perte est supérieure à 50 F.


Ce dernier chiffre est particulièrement significatif. Il traduit l’ampleur incroyable de la perte de substance qui actuellement imposée aux sociétés pétrolières françaises ; perte de substance et non manque à gagner, puisqu’il s’agit de la différence entre les dépenses réelles supportés et les recettes encaissées. C’est cette perte de substance qui, s’accroissant chaque mois depuis le début de l’année, menace à court terme la vie même des sociétés.


Mais dira-t-on, n’avez-vous pas réalisé d’énormes bénéfices sur vos stocks au début de l’année ? Et les compagnies internationales n’ont-elles pas annoncé des profits fabuleux pour le premier trimestre de 1974 ?


Pour ce qui est des stocks, j’ai déjà expliqué ( le monde du 1er mars 1974 ) que l’accroissement de valeur des stocks n’était que la traduction des sommes qu’il avait fallu dépenser pour les constituer ou les maintenir. Les sociétés françaises ont effectivement enregistré un important accroissement de trésorerie par la vente des stocks existant au 1er janvier, mais les sommes en question ont été aussitôt utilisées pour acheter le pétrole brut destiné à reconstituer ces stocks, dont le niveau est fixé par la réglementation des stocks de sécurité. Les sommes en question sont " gelées " ; elle ne sont pas et ne seront jamais disponibles.


Quant aux bénéfices des compagnies internationales ils appellent quelques commentaires.


Les possibilités de bénéfices ont été et sont encore très différentes selon les marchés. Alors que les opérations sont largement perdantes en France et médiocres dans la plupart des pays d’ Europe, il n’en n’est pas de même pour le très important marché que constituent les U.S.A. ni au début de l’année pour l’ Allemagne, ni encore pour le Japon, ni enfin pour les opérations fondamentalement internationales que sont les ventes de combustibles aux navires et de carburants aux avions.


Au surplus - et c’est là le point fondamental - il est étrange et déconcertant au suprême degré de voir l’acharnement que met une opinion mal éclairée à condamner les bénéfices réalisés par les compagnies alors qu’elle devrait s’en réjouir !


Tous les chiffres - et ils sont publics - montrent que ces profits sont la condition sine qua non des investissements destinés à assurer, pour l’avenir, la sécurité d’approvisionnement des consommateurs. Or le coût de ces investissements a considérablement augmenté ces temps derniers, moins d’ailleurs en raison de l’inflation que parce qu’on s’attaque maintenant à des zones où la prospection est très coûteuse. A-t-on, par exemple, pris assez conscience de ce que représente le fait que les recherches en Mer du Nord coûtent dix fois plus que celles menées sur la terre ferme au Proche-Orient ? Et que le mise en exploitation d’un gros champ de mer du Nord comme Forties, qui aura une production de 20 millions de tonnes, représente un investissement de plus de 1 milliards de dollars ?


Il n’y a pas de miracle en économie. La sécurité des approvisionnements futurs en pétrole exige que ces investissements soient réalisés. Dans le système actuellement en vigueur en Occident, ce sont les compagnies internationales qui assurent la fonction de recherche et d’exploitation ; il faut donc qu’elles disposent des ressources nécessaires... à condition qu’on soit assuré qu’elles les consacrent à ces investissements. Or, il est patent qu’elles le font.


Ces considérations permettent de juger à quel point il serait anormal que le consommateur français n’accepte pas de payer le prix de sa sécurité d’approvisionnement en se reposant sur l’attitude plus réaliste et plus prudente des consommateurs d’autres pays.


Pour des mesures urgentes


La situation présente de l’industrie pétrolière française est donc des plus graves. Il faut qu’on le sache ; les conditions actuelles de l’exploitation portent en elles, à très bref délai, l’arrêt des opérations.


Va-t-on dés lors, comme il a été écrit, vers une épreuve de force entre les sociétés pétrolières françaises et le gouvernement ? Une telle formulation est rigoureusement contraire à la réalité des relations quasi contractuelles qui se sont établies en France depuis près de cinquante ans entre les pouvoirs publics et ces sociétés dans le cadre de la loi de 1928. La volonté de ces dernières est de continuer à ravitailler le pays comme elles l’ont fait sans défaillance depuis tant d’années ; et elles le feront tant qu’elles en auront les moyens. Si elles devaient s’arrêter, ce ne serait certes pas pour manifester leur force, mais, bien au contraire, parce que leur faiblesse financière aurait atteint le point extrême.


Une telle issue est d’autant plus inimaginable qu’il y a, au pétrole importé aujourd’hui, aucun substitut à un prix inférieur, bien au contraire. Il est donc nécessaire et urgent que les mesures adéquates soient prises. L’industrie pétrolière française les attend avec une légitime impatience.


JEAN CHENEVIER

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